mercredi 15 février 2012

Le cimetière des marionnettes

   Les racines noueuses des arbres morts s'enfoncent loin sous la surface de la scène. Comme un triste sourire, elles viennent frôler le bois pourri des innombrables tombes dispersées en sous-sol.
   L'effroi te prend si tu pénètres dans ce sanctuaire souterrain. Car aucun de ces cercueils défoncés par les gravats et le temps n'a la taille d'accueillir un corps adulte.
   Laisse-t-on dormir ici une armée d'enfants, sans aucune boîte à musique pour leur tenir compagnie ?
   Mais dans ces tombes les squelettes sont de bois et de fer ; aucun humain n'a encore pénétré ce royaume ; même le fossoyeur n'est qu'une mécanique de chair, moins humain peut-être que ceux qu'il enterre. Voyageur, tu es dans le cimetière des marionnettes où le vivant n'a pas sa place, où règnent les rouages des cœurs, où dorment des morts qui n'ont jamais vécu. Que fais-tu là ?
   Comment es-tu arrivé là ? As-tu arraché ton cœur pour le jeter en pâture aux machines ?
   Es-tu bien sûr de vivre encore ?
   Va-t-en vite, voyageur, avant que le marionnettiste ne descende saluer ses enfants. Va-t-en vite, car tu n'existes déjà plus ; regarde ; ceci est ton cauchemar dont les aiguilles infernales freinent le tempo de tes veines, ceci est le cimetière perdu de tes idées où tu t'égares comme comme un fantôme qui hurle dans son propre caveau.
   Je crois bien que tu as dormi trop longtemps.

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