mercredi 15 février 2012

L'atelier fantôme

   Les mécanismes semblent s'assembler seuls, maniés par la machine vivante qui leur tient lieu de maître. Il est vieux et fatigué, en vérité, il est mort ; du moins il pourrait ; parcheminé, ridé, effacé des esprits et des idées, le marionnettiste, oui, est aussi fantomatique que son atelier, carcasse vide dont la charpente pourrit, et où la toile des araignées tisse des veines filandreuses. Seul le cœur, peut-être, y bat encore, car le fantôme vit – peu – mais il vit, il vit, de la sève figée dans les artères des pantins, des yeux immobiles qui ignorent la science des larmes, des cœurs à la mécanique délicate qui cherchent désespérément à atteindre un rythme humain. Et le marionnettiste, si inhumain par son existence illogique, dans son atelier fantôme de fait orfèvre d'humanités mécaniques.
   Il crée de ses mains ces enfants qu'il ne pourra jamais avoir ; il voudrait... il voudrait tant ! Hélas sa malédiction le tient.
   Le marionnettiste laisse la pluie pleurer pour lui.
   Il est, ainsi, ce désespoir que ces mots ne parviennent plus à décrire, il est, si pitoyable dans son théâtre, le maître des fantômes illusoires qu'il étend sur sa propre vie. Et il est vieux, si vieux...
   Et eux le regardent de leurs yeux de verre.
   Et eux sourient, pour toujours.

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