mercredi 11 janvier 2012

Le repas d'automne

   Un chat marche sans bruit sur les feuilles mortes, patte de velours et boule de poil, il guette les écureuils qui bondissent entre les branches armés de leurs mitraillettes à noisettes. Il bondit soudain au pied d’un arbre et fauche adroitement un mulot qui s’en allait donner l’alerte. Je ne suis pas là, personne ne sait que je suis là.
   Il brise net la jugulaire du petit animal et envoie bouler le cadavre entre les racines. Personne ne sait que je suis là. Son poil est de la couleur du sol, et tapi dans les feuilles, il est indécelable. Ses yeux seuls tranchent comme deux billes de ciel égarées dans la nouvelle saison. Il les a braqués sur les branches au-dessus de lui, guettant la moindre vibration.
   Vif comme l’éclair, il escalade le tronc et envoie une gifle magistrale à l’écureuil qui, comme surpris d’avoir été pris, le regarde en tombant. Toutes ses munitions dégringolent à sa suite et viennent s’éparpiller dans les feuilles tandis que son arme s’en va valser un peu plus loin. Satisfait, le chat bondit et se laisse atterrir en silence dans les feuilles mortes. Ce doux tapis a sauvé la vie du petit animal qui s’en allait déguerpir, mais son chasseur l’a vu et in extremis l’assomme d’un coup de patte. Puis il le grignote avec une lenteur gourmande et délibérée. C’est son repas préféré.
   Dédaignant les noisettes échouées, il repart la queue bien droite, fier de sa prise, ramenant la tête de sa victime en guise de trophée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire